À la suite des manifestations dites des « Gilets Jaunes », le Premier ministre Édouard PHILIPPE a institué, par décret n° 2019-208 du 20 mars 2019, une contravention de participation à une manifestation interdite sur la voie publique. Ce texte réglementaire permet aux forces de police de verbaliser, d’une amende de 135 euros, tout individu qui participerait à une manifestation interdite.
Les conditions légales de l’infraction de participation à une manifestation interdite sur la voie publique
Le décret insère au code pénal un article R.644-4, lequel dispose :
« Le fait de participer à une manifestation sur la voie publique interdite sur le fondement des dispositions de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »
L’article L.211-4 du code de la sécurité intérieure prévoit quant à lui que le titulaire du pouvoir de police administrative locale (le maire ou le préfet) peut interdire toute manifestation sur la voie publique lorsqu’il estime qu’elle est de nature à troubler l’ordre public.
Cette nouvelle disposition n’a pas encore été interprétée par la Cour de cassation. Néanmoins, au vu du texte, il est possible d’indiquer que les autorités de poursuites devront démontrer :
– que le contrevenant était présent sur les lieux d’une manifestation,
– qu’il avait l’intention d’y participer,
– que cette manifestation a été interdite par l'autorité titulaire du pouvoir de police administrative.
En effet, la nécessité de démontrer le caractère intentionnel de cette contravention ressort d’une décision du Conseil d’État. La haute juridiction a été saisie par la Ligue des droits de l’Homme d’une demande de suspension du décret susvisé. L’association estimait que ce décret portait atteinte à plusieurs droits et libertés fondamentaux. Le Conseil d’État a rejeté ce recours en estimant, sur le caractère intentionnel, que (CE, 29 mars 2019, n° 429028) :
« Le contrevenant peut faire valoir devant le juge judiciaire, compétent pour apprécier l’intention de chaque personne présente dans le périmètre de la manifestation interdite d’y participer effectivement, l’absence d’une telle intention. »
Une incertitude demeure sur la nécessité de démontrer que le contrevenant avait connaissance de l’interdiction de la manifestation décidée par l'autorité de police administrative.
Ainsi, si les policiers estiment que l’individu participait, en connaissance de cause, à une manifestation interdite par le préfet ou le maire, ils peuvent verbaliser le contrevenant.
Procédure applicable à la contestation d’une contravention
Il est important de préciser que cette procédure est applicable à toutes les contraventions.
Si vous recevez une amende par voie postale sur le fondement de cette infraction et que vous estimez ne pas l’avoir commise, vous avez la possibilité de la contester. Pour cela il convient de :
· Ne pas payer l’amende,
· Remplir et envoyer, par courrier, le formulaire de requête en exonération joint au procès-verbal de contravention.
À la suite de cette contestation, le ministère public dispose de trois possibilités :
Décision de classement sans suite,
Le procureur estime que les éléments qui lui ont été soumis sont de nature à établir que vous n’avez pas commis l’infraction. Les poursuites sont abandonnées.
Convocation en vue de notification d’une ordonnance pénale,
Le procureur estime que les éléments que vous lui avez présentés ne suffisent pas à démontrer que vous n’avez pas commis l’infraction. Il décide de vous convoquer devant le délégué du procureur de la République qui va vous notifier une ordonnance pénale et vous condamner à une peine d’amende.
Il n’y a pas de débat contradictoire à ce stade. La décision est prise et ne pourra pas être modifiée.
Si vous estimez que le procureur de la République n’a pas pris en compte les éléments qui vous disculpent, vous devrez alors former une « opposition à l’ordonnance pénale » :
- soit en vous rendant directement à l’accueil du tribunal judiciaire compétent (celui où l’ordonnance pénale a été prise) ;
- soit en adressant un courrier recommandé au tribunal judiciaire. Vous devez y indiquer que vous formez une opposition à l’ordonnance pénale rendue contre vous. Il est important de faire figurer le numéro de la procédure dans toutes vos correspondances.
Vous disposez d’un mois pour former cette opposition. Le délai commence à courir à la date de réception de l’ordonnance pénale (le jour de l’audience où le procureur vous a remis l'ordonnance ou le jour de réception par voie postale de cette ordonnance).
L’opposition à l’ordonnance pénale a pour conséquence de saisir le tribunal de police. Après plusieurs semaines, voire plusieurs mois, vous recevrez donc une convocation devant cette juridiction.
Renvoi devant le tribunal de police,
Un magistrat de l’ordre judiciaire va juger votre affaire. C’est une procédure contradictoire où le procureur de la République doit démontrer que les conditions de l’infraction sont réunies.
Vous aurez la parole en dernier et vous pourrez expliquer au magistrat les raisons de votre contestation. Il vous appartiendra d’apporter les justificatifs qui démontrent que vous n’avez pas commis l’infraction.
À la suite de ce débat, le juge estimera si les preuves sont suffisantes pour constituer l’infraction. Si tel est le cas, une peine d’amende sera prononcée en prenant en compte les circonstances des faits et votre personnalité (vos revenus, vos charges familiales et personnelles, votre éventuel casier judiciaire...).
Devant le tribunal de police, vous pouvez vous défendre seul ou demander l’assistance d’un avocat. Si vos niveaux de ressources sont inférieurs aux conditions d’attribution, vous pouvez demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle.
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